Haïti :
l'insupportable souffrance / Randall Robinson ; trad. de
l'américain ; préface de Claude Ribbe. -
Monaco : Alphée, 2010. - 315 p. ; 22 cm.
(Ethiopica). ISBN 978-2-7538-0546-0
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Le 29 février 2004, Jean-Bertrand Aristide,
président de la République d'Haïti, est contraint de
quitter Port-au-Prince à bord d'un avion américain ; il
sera débarqué en République centrafricaine, pourra
se rendre en Jamaïque quelques semaines plus tard avant d'accepter
l'invitation à résider en Afrique du Sud.
Ami de longue date de Jean-Bertrand Aristide, Randall Robinson ne
se borne pas à relater précisément les motivations
et le déroulement du coup d'état organisé par les
Etats-Unis et la France en vue d'éliminer politiquement sinon
physiquement le président haïtien ; il inscrit
l'évènement dans la continuité d'un antagonisme
violent — ni la France ancienne puissance coloniale, ni les
Etats-Unis grande puissance proche n'ont pardonné à la
première république noire sa prise d'indépendance
en 1804. La France avait alors perdu une importante source de profit et
subi une défaite humiliante ; les Etats-Unis
s'inquiétaient d'un exemple susceptible d'encourager
l'insurrection sur leur propre territoire. Pendant deux siècles,
et contre toute raison, un violent ressentiment n'a cessé
d'inspirer la politique de la France et des Etats-Unis envers
Haïti. Randall Robinson souligne cette
remarquable continuité de politiques régies par la loi du
plus fort ; et lorsqu'il décrit le coup de force de
février 2004, en laissant chaque fois que possible la parole aux
acteurs ou aux témoins directs, il semble que deux
siècles d'histoire éclairent le temps de l'action. Mais
l'engagement de l'auteur, fondé sur l'amitié et sur le
partage de valeurs, limite la portée du livre. Manque en effet
un examen lucide, équilibré et sans complaisance de
l'action d'Aristide durant son second mandat présidentiel
— où résident, selon ses opposants de
l'intérieur comme de l'extérieur, certaines causes
politiques (et non la justification morale) du coup d'état. ❙ Randall Robinson,
célèbre activiste et penseur afro-américain
influent, né en 1941, proche du Black Caucus, s’est fait
connaître par ses combats contre l’apartheid en Afrique du
Sud et pour la reconnaissance de la part des Afro-Américains
dans l’histoire des États-Unis. Il enseigne le droit
à l’université de Pennsylvanie.
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EXTRAIT |
Basse-Terre, Saint-Christophe Lundi 1er mars 2004, 11H15, heure locale.
Comme pour donner de l'importance au moment, la ligne crachota et
grésilla pendant ce qui sembla une éternité.
Lentement, à travers ce bruit, se matérialisa le son
lointain de la voix du président.
— Randall … (Sa voix allait puis venait). Randall … — Oui, répondis-je d'une voix forte. — C'est Titide. — Monsieur le président, où êtes-vous ?
— Nous sommes en République centrafricaine. Ils nous
ont emmenés en République centrafricaine …
La voix s'éloigna, puis se rapprocha.
— C'était un coup d'Etat. Dites-leur de notre part que c'était un coup d'Etat.
La communication fut coupée.
☐ p. 211 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « An
unbroken agony : Haiti, from revolution to the kidnapping of a
president », New York : Basic civitas books, 2007
- Alex Dupuy, « The
prophet and power : Jean-Bertrand Aristide, the international
community, and Haiti », Lanham (Maryland) : Rowman
& Littlefield, 2006
- Wiener Kerns Fleurimond, « Haïti
de la crise à l'occupation : histoire d'un chaos, 2000-2004
(tome 1) La chute d'Aristide », Paris :
L'Harmattan, 2009
- Gérard
Lehmann, « Haïti 2004 : radiographie d'un coup
d'état », Paris : L'Harmattan, 2007
- Mireille Nicolas, « Haïti, d'un coup d'état à l'autre », Paris : L'Harmattan, 2006
- [Organisation
des travailleurs révolutionnaires - Union communiste
internationaliste], « Haïti, 1986-2004 : de la
chute de Duvalier à l'éviction d'Aristide, une histoire
politique », Paris : Les Bons caractères, 2005
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mise-à-jour : 6 juillet 2010 |
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