Œuvres /
Alfred Jarry ; sous la dir. de Michel Décaudin. -
Paris : Robert Laffont, 2004. -
XXXVII-1367 p. : ill. ; 20 cm. -
(Bouquins).
ISBN 2-221-06824-6
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Alfred Jarry a fait la
connaissance de Gauguin et de son œuvre en 1893, lors de
l'exposition organisée au retour du premier voyage
à Tahiti (Durand Ruel) ; en juin 1894 il est
à Pont-Aven où il laisse un poème sur
le livre d'or de la pension Gloanec — L'homme
à la hache.
Une version
remaniée de L'homme à la hache
paraît en 1894 dans « Les minutes de sable
mémorial » ; deux autres
poèmes d'après et pour Paul Gauguin
paraîtront, avec L'homme à la hache, dans
le recueil posthume « La revanche de la
nuit » édité par Maurice
Saillet (Mercure de France, 1949) : Ia orana Maria
et Manao Tùpapaù ;
ces trois poèmes renvoient explicitement à des
tableaux du premier séjour tahitien.
Les Gestes et
opinions du Docteur Faustroll prend la forme d'un
récit de voyage empreint de réminiscences
homériques et rabelaisiennes ; une escale
à l'île flagrante est
dédiée à Paul
Gauguin … Certains traits du peintre, tel que
l'évoque Jarry, semblent faire écho à
la rêverie de Segalen dans le Maître du Jouir — sa
fonction est de sauvegarder pour son peuple l'image de ses Dieux
(cf. extrait ci-dessous).
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JEAN
LOIZE :
Au chapitre XVII [des Gestes et opinions du Docteur
Faustroll, pataphysicien], dédié
à Gauguin, Faustroll accoste dans une île,
l'île Fragrante, dont le roi nu, à la
cithare de couleurs, rappelle le peintre. Publié
près de quatre ans après la mort de Jarry. Texte
recopié en 1898. Mais Jarry, comme Fargue son condisciple au
lycée Henri IV, avait connu Gauguin dès son
exposition de 1893. Leurs premiers articles, sur l'art,
appréciaient Gauguin en 1894 dans L'Art
Littéraire et les Essais
d'art libre.
☐ « Noa
Noa », édition Balland, 1966, (bibliographie,
p. 160)
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EXTRAIT |
[…]
Le roi de l'île était nu dans
une barque, les hanches ceintes de son diadème blanc et
bleu. Il était drapé en outre de ciel et de
verdure comme la course en char d'un César, et roux comme
sur un piédestal.
Nous lui fîmes raison de liqueurs
fermentées dans des hémisphères
végétaux.
Sa fonction est de sauvegarder pour son peuple
l'image de ses Dieux. Il en fixait un avec trois clous au mât
de la barque, et ce fut comme une voile triangulaire, ou l'or
équilatéral d'un poisson
séché rapporté du septentrion. Et
au-dessus de la demeure de ses femmes, il a
enchaîné les pâmoisons et les torsions
d'amour avec un ciment divin. Hors de l'entrelacs des seins jeunes et
des croupes, des sibylles constatent la formule du bonheur, qui est
double : Soyez amoureuses, et Soyez
mystérieuses.
[…]
Quand le roi chante, le long du rivage, sur sa
cithare, ou élague avec une hache des images de bois vivant,
les pousses qui défigureraient la ressemblance des Dieux,
ses femmes se terrent au creux des lits, le poids de la peur chu sur
leurs reins du regard de veilleuse de l'Esprit des Morts, et de la
porcelaine parfumée de l'œil de la grande lampe.
[…]
☐ Gestes
et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, Livre
III, ch. XVII, De l'île fragrante,
pp. 502-503
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Les
minutes de sable mémorial »,
Paris : Mercure de France, 1894 ; Gallimard
(Poésie, 119), 1977
- « La
revanche de la nuit, poèmes
oubliés », Paris : Mercure de
France 1949
- « Gestes
et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien »,
Paris : Fasquelle, 1911 ; Stock, 1923 ;
Gallimard (Poésie, 143), 1980 ; Cartouche, 2004
- « Gestes
et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien (suivi de) Commentaire
pour servir à la construction pratique de la machine
à explorer le temps », Paris :
Arléa, 2006
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mise-à-jour : 2
septembre 2008 |
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