Enrique Serpa

Contrebande

Zulma

Paris, 2009

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Cuba
parutions 2009
Contrebande / Enrique Serpa ; traduit de l'espagnol (Cuba) par Claude Fell ; présenté par Eduardo Manet. - Paris : Zulma, 2009. - 326 p. ; 19 cm.
ISBN 978-2-84304-487-8
Serpa rendait souvent visite à mes parents dans leur maison de La Havane. L'homme était aimable mais peu démonstratif. Je me souviens que mon père avait dit un jour à propos de son ami : « Enrique est un loup blessé ».

Eduardo Manet, Présentation, p. 8

Chronique
lente, hésitante et tourmentée d'une dérive : armateur d'une goélette de pêche, le narrateur est confronté à l'effondrement des cours du poisson, à la déliquescence d'une société qui peine à survivre et au doute existentiel. Quand, un soir de beuverie, le capitaine d'équipage suggère un trafic plus rémunérateur, l'armateur refoule ses craintes et cède au vertige de l'aventure — pleinement conscient de ses insuffisances.

Enrique Serra (1899-1968) dresse un tableau sans complaisance d'une île anesthésiée par la misère et l'injustice, où inexorablement s'enracine le ressentiment qui armera les révolutions à venir. Mais pour l'heure les perspectives d'évasion se trament dans la marge, entre quais glauques et lupanars sordides, loin de tout idéal. Seule la violence se fait entendre.

À chaque page du roman, la mer déploie séductions et menaces, promesses de vie ou de mort.
EXTRAIT    Tout, alentour, semblait se calquer sur le réveil de La Buena Ventura. Bien qu'encore incrustés dans la ville, nous commencions déjà à vivre dans un autre monde, différent de la terre. Un monde hermétique et mystérieux, indéchiffrable pour des yeux malhabiles ou frivoles qui le trouveront toujours monotone et étranger, superficiel, en dépit de sa vie palpitante, de sa polychromie et de son infinie variété de tons. Un monde immense comme l'ambition, tentateur comme le plaisir, vierge de sentiers battus, si mouvant qu'on dirait la vie même et, comme la vie, aimé, détesté et craint. Le monde à la fois multiple et un des eaux changeantes, des couleurs chaudes, des nuances délicates, des arcs-en-ciel fugitifs, de l'écume infiniment plus fragile que le pétale et la dentelle, des ondes graciles et houleuses, qui caressent et énervent, des implacables vagues meurtrières, des symphonies fracassantes et effroyables, et des berceuses roucoulantes. Le monde des gueules d'acier silencieuses, qui tuent sans prévenir, de l'hypocrisie et du mimétisme, de la patience infinie que figurent les madrépores, de la voracité insatiable faite estomac chez le requin, de la force irrésistible incarnée par la baleine et de la faiblesse sans défense — pas même la défense du cri d'effroi — qui tremble chez la sardine et le hareng. Un monde protéiforme et confus, hermétique et mystérieux, le monde de la mer.

   Et ce monde semblait s'éveiller à la vie et répondre à l'appel du matin. Douze ou quatorze embarcations et canots, toutes voiles dehors, naviguaient vers la pleine mer. C'était les pêcheurs de La Punta qui commençaient, résignés et stoïques, leur harassante tâche quotidienne dont finalement ils tireraient à peine un peso par tête.

pp. 207-208
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Contrabando », La Habana : Àlvarez-Pita, 1938
  • « Contrebande », Paris : Zulma (Z a), 2013

mise-à-jour : 14 octobre 2013
Enrique Serpa : Contrebande
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