L'hérésiarque
et Cie / Guillaume Apollinaire. - Paris : Le Livre de poche,
1973.
- 286 p. ; 17 cm. - (Le Livre de poche,
3617).
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Un
ami offre une boîte de cigares cubains au baron d'Ormesan
en vantant leur qualité — la
même que ceux
dont le défunt roi d'Angleterre ne pouvait se passer. Mais
après avoir couvé des yeux ces cigares merveilleux, comparables
aux
torpilles bien rangées d'un arsenal … pacifique, la
déception s'impose ; des premières
bouffées n'émane qu'une saveur
désagréable :
« la fumée de mon cigare me parut avoir
une odeur de papier brûlé ».
Emporté
par le dépit, le baron incrimine successivement les
goût
du roi d'Angleterre, l'emprise américaine sur Cuba et le
remplacement des cigarières qui ont fait la
réputation du
tabac local par des machines ! Mais cette mauvaise
expérience trouve rapidement une explication,
prosaïque en
apparence, qui introduit un épisode hautement romanesque.
Quant
au second cigare, il s'avère excellent, les autres aussi :
« Le roi d'Angleterre se connaissait fort bien en
tabac de La Havane ».
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EXTRAIT |
Je
perçai soigneusement le cigare, l'allumai et
commençai
à tirer avec béatitude des bouffées
parfumées.
Au bout de quelques instants il ne me vint plus
dans la bouche qu'une saveur désagréable, et la
fumée de mon cigare me parut avoir une odeur de papier
brûlé :
— Le roi d'Angleterre me
paraît avoir en fait de tabac, me dis-je, des goûts
moins
raffinés que je n'aurais supposé. Il est
possible,
après tout, que la fraude si répandue de nos
jours n'ait
même pas épargné le palais et la gorge
d'Édouard VII. Tout s'en va. Il n'y a plus moyen de fumer un
bon
cigare.
Et faisant la grimace je cessai de fumer le mien qui,
décidément, sentait le carton
brûlé. Je
l'examinai un instant en pensant :
— Depuis que ces
Américains ont la haute main sur Cuba, il se peut que la
prospérité de l'île ait
progressé, mais les
havanes ne sont plus fumables. Ces Yankees ont sans doute
appliqué aux plantations de tabac !es
procédés de
la culture moderne, les cigarières ont
été
certainement remplacées par des machines. Tout cela est
peut-être économique et rapide, mais le cigare y
perd
beaucoup. D'autant plus que celui que j'ai tenté de fumer
à l'instant me donne tout lieu de croire que les
falsificateurs
s'en mêlent et que de vieux journaux, trempés dans
de la
nicotine, tiennent maintenant lieu de feuilles de tabac chez les
manufacturiers havanais.
☐ pp.
248-249 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'hérésiarque
et Cie », Paris : P.-V. Stock, 1910
- « L'hérésiarque
et Cie » in Œuvres
en prose complètes, I, Paris :
Gallimard (La Pléiade), 1977
- « L'hérésiarque
et Cie », Paris : Stock, 2003
- « L'hérésiarque
et Cie », Paris : Sillage, 2016
|
- «
La Bréhatine » éd. par Claude
Tournadre, Paris : Les Lettres modernes (Archives, 126), 1971
- « La Bréhatine » in Œuvres en prose
complètes, I, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1977
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mise-à-jour : 10
février 2017 |
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