Paradis (avant liquidation) /
Julien Blanc-Gras. - Vauvert : Au Diable vauvert, 2013. -
251 p. ; 20 cm.
ISBN
978-2-84626-500-3
|
Indépendante
depuis 1979, la République des Kiribati
— hier
îles Gilbert — compte une trentaine
d'atolls (et une
île « haute », Banaba),
dispersées
en trois archipels au cœur du Pacifique à
proximité
de l'équateur. Peu élevées au dessus
du niveau de
la mer, les îles Kiribati sont directement et rudement
exposées au risque de submersion.
C'est
cette menace que
Julien Blanc-Gras a souhaité évaluer ;
son
enquête est éloquente. En effet les atolls culminent à peine
à deux ou trois mètres d'altitude (p. 33) :
l'impact du réchauffement climatique sur l'océan
est
perceptible quotidiennement, obligeant la population à
d'incessants et pourtant dérisoires efforts pour consolider
de maigres endiguements, quand ce n'est pas pour
déplacer et reconstruire de frêles habitations.
Une
pesante tristesse émane de ce séjour au
cœur d'un
paradis d'où tout espoir semble banni. D'autant plus que,
comme
l'auteur ne tarde pas à le découvrir, le risque
de
submersion n'est que le plus visible des maux qui frappent l'archipel.
Il faut encore compter avec la surpopulation, le manque de ressources
naturelles, l'isolement géographique, une situation
sanitaire
dangereusement précaire … et une
communauté
internationale qui brille par son indifférence
— à l'exception notoire du
Timor-Oriental :
« On ne va tout de même pas laisser des
êtres
humains couler sans rien faire. Qu'est-ce que ça nous dirait
sur
l'humanité ? » (José
Ramos Horta,
cité p. 208).
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EXTRAITS |
L'érosion,
les îles qui disparaissent, les maisons détruites
par les
inondations et les villages déplacés, tout cela
est
déjà bien préoccupant. Ce n'est
pourtant que la
surface du problème.
L'infiltration
de l'eau marine affecte les rares cultures. Les racines des cocotiers
sont attaquées. On peut le voir dans les environs de
Tebikenikora et ailleurs : l'arbre mort fait partie du
paysage. Or
le cocotier (Cocos
nucifera) est
ici plus qu'un arbre. C'est la base de l'alimentation, le
cœur
traditionnel de l'économie, un emblème culturel.
Pire, les réserves d'eau sont menacées.
Tout le
monde est d'accord, l'urgence est là. La salinité
atteint
les puits, déjà menacés par les
pollutions
diverses. Huiles de moteur, carburants, déjections humaines
ou
porcines, tout finit dans les maigres lentilles d'eau douce, qui
deviennent imbuvables.
☐ pp. 110-111 |
Le corps médical doit faire face aux maladies et
infections liées aux eaux insalubres. Aux
hépatites
causées par l'alcool. Aux poumons endommagés par
le
tabagisme compulsif. Aux problèmes cutanés et aux
attaques dues aux overdoses de kava —
l'antidépresseur
local. Aux éléphantiasis et à la
dengue. Un tiers
de la population est diabétique, du fait des habitudes
alimentaires déplorables ; les amputations sont
fréquentes (…). On compte une cinquantaine de
naissances
hebdomadaires et beaucoup de parturientes meurent en couches.
Une bonne
nouvelle ? Il n'y a pas de malaria.
Une
mauvaise ? Il y a un pavillon pour les lépreux.
Il n'y a pas de
médecin spécialisé pour le HIV. Il y a
des capotes.
Il
y a une section psychiatrique. Il n'y a pas de psychiatre.
L'idée même de psychanalyse est risible, c'est un
luxe
qu'on ne peut se permettre quand le seul défibrillateur du
pays
est cassé.
☐ pp. 203-204 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Paradis (avant liquidation) »,
Paris : Librairie générale
française (Le
Livre de poche, 33412), 2014
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mise-à-jour : 9 août 2021 |
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