Des
saisons au bord de la mer / François Maspero. -
Paris :
Seuil, 2009. - 171 p. ; 23 cm. - (La
Librairie du XXIe
siècle).
ISBN
978-2-02-099263-3
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Ce
n'était pas la taille de l'île qui comptait,
c'était l'immensité au-dessus et autour
d'elle, …
☐ p. 107 |
Souvenirs
de vacances au bord de la mer — souvenirs d'enfance
et de
jeunesse en ouverture, dans une maison familiale d'où par
beau
temps s'aperçoivent les falaises blanche de l'Angleterre
proche.
Puis, souvenirs de maturité ; la scène
est alors
à Belle-Île où l'enfant d'hier
séjourne avec
sa femme et leur fille qui ressemble
à Puck, le génie joyeux et farceur des
forêts dans les nuits d'été. Entre
les deux volets du diptyque de François Maspero s'est
écoulé le temps inapaisable de la
révolte, de l'engagement et de l'action dont la
trame est évoquée sans les rigidités,
et sans l'impudique complaisance, de l'autobiographie.
À
Belle-Île, longues promenades et parties de pêche
ouvrent
l'espace où se noue le dialogue entre père et
fille. Les
propos échangés différent peu de ceux de la masse des touristes venus
parcourir l'île pour une journée ;
mais l'attention se porte vite sur des présences plus
graves, celles de visiteurs contraints : Auguste Blanqui,
Messali Hadj, les enfants de la colonie
pénitentiaire ;
parmi ceux qui se sont rendus de plein gré sur
l'île,
Robert et Youki Desnos suscitent la ferveur : Desnos,
« c'est … lui qui a
écrit Ce
cœur qui haïssait la guerre » ;
s'imposent les voix discrètes et obstinées
d'îliennes et d'îliens ; passent
cormorans, fous de
Bassan et autres oiseaux marins.
Ouvert
et porteur d'insistants questionnements, le monde qui se recompose dans
l'île tresse les aspirations d'un passé
assumé et
la rumeur d'un présent vif et fugace comme le vent, comme la
mer. Un jour le dialogue s'interrompt tragiquement :
« Le temps s'est arrêté. Pour
elle, mais aussi,
se dit-il, pour lui. (…) Comment ferait-il,
désormais,
pour reconnaître un fou de
Bassan ? »
❙ |
François
Maspero a été librairie (La Joie de lire,
1955-1975),
éditeur (Éditions Maspero, 1959-1982) ; il a
été également
écrivain, traducteur
journaliste. |
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EXTRAIT |
Une autre aventure, c'était, surtout par les jours
d'hiver, quand il y avait trop de brume pour que le bateau
régulier se risque à prendre la mer. Alors la
qualité d'îlienne de sa mère leur
donnait le droit
d'emprunter le bateau de pêche auquel la compagnie confiait
le
courrier. Il s'appelait le Gabriel-Péri :
à l'époque, beaucoup de pêcheurs
étaient
communistes, ce qui ne les empêchait pas de participer
à la
grande fête annuelle où le curé
bénissait
les pinasses. Elle restait sagement cloîtrée dans
le
carré avec ses parents. Sa mère commentait avec
les
matelots les nouvelles du pays. Avec son père, ceux-ci
parlaient
politique, et ils étaient souvent d'accord. Ce qui
était
magique, c'était que, dans ce confinement, les matelots
pouvaient dire exactement, rien qu'aux mouvements de la coque dans la
houle, à quel point de la traversée on en
était : ici on double la pointe du Conguel, ici on
passe
sur la basse de Saint-Clément, ou sur la chaussée
de la
Teignouse, ou sur les hauts-fonds de Birvidiaux. C'était
comme
si la mer leur parlait tout bas. Plus magique encore était
de
les entendre reconnaître à son sillage le bateau
qu'ils
venaient de croiser et en donner même le nom :
« Celui-là, il ne file pas droit, le
patron, on sait
qui c'est, toujours un coup dans le nez. » De temps
en temps
la VHF crachait un message d'un autre bateau ou du port :
« N'oublie pas de rapporter l'hélice de
rechange
du Cambronne.
— Prévenez Colette que je suis en
retard. »
☐ pp. 121-122 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Transit
& Cie », Paris : La Quinzaine
littéraire, Louis Vuitton (Voyager
avec …),
2004
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mise-à-jour : 13
avril 2015 |
Editeur, libraire, traducteur, écrivain,
François Maspero
est mort à Paris le 11 avril 2015 |
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