Un chasseur de lions / Olivier Rolin. - Paris : Seuil, 2008. - 234 p. ; 21 cm. ISBN 978-2-02-084649-3
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NOTE DE L'ÉDITEUR
: En 1881, deux ans avant sa mort, Edouard Manet fait le portrait d'un
personnage haut en couleurs de l'époque, Eugène
Pertuiset, à ses heures chasseur de lions en Algérie,
mais aussi magnétiseur, explorateur, inventeur et trafiquant
d'armes, activités qui le mèneront à accomplir de
nombreux voyages en Amérique du Sud, et à faire la
première tentative d'exploration de la Terre de Feu.
Ce Portrait de Pertuiset, le chasseur de lions, qui
n'est peut-être pas le plus connu de Manet aujourd’hui, ni
le plus admiré, valut à l'artiste un prix au Salon. Les
deux hommes étaient liés, et l'aventurier avait le bon
goût d'être un collectionneur de Manet. Ce sont les
aventures de ce Pertuiset, rocambolesques et assez farcesques, que
retrace Olivier Rolin, croisées avec divers épisodes de
la vie de Manet. C’est aussi un voyage à travers l'espace
(l’Algérie coloniale, Lima, Valparaiso, la Terre de Feu),
le temps (le Paris de Napoléon III, la guerre de 70, la
Commune), les souvenirs littéraires (Baudelaire, Zola,
Maupassant, etc.).
Un roman mené tambour battant, comme
une suite très rythmée de scènes ou de tableaux
colorés. Mais bien sûr, Olivier Rolin ne fait pas un roman
classique, et il entrecoupe son récit par l'évocation de
souvenirs personnels qui le ramènent vingt-cinq ans en
arrière lorsque, journaliste, il arpentait le continent
latino-américain. « Le
lion que tu chassais, la Terre de Feu que tu explorais, le
trésor que tu cherchais, c'était, comme toujours, le
temps perdu ».
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EXTRAIT |
Depuis
le pont du paquebot, dans le détroit de Magellan, il voit une
grande lueur incendier la nuit au-dessus de la côte de la Terre
de Feu : ce sont, lui explique-t-on, les brasiers allumés
par les « Feugiens » 1.
La grande île est encore inexplorée, on croit que ses
naturels sont anthropophages (voilà qui complique les choses).
Il note tout dans son carnet de moleskine. Il a son idée
derrière la tête : de même que Dantès a
profité d'une expédition de contrebande pour
découvrir son trésor, lui va tenter de monter une mission
d'exploration, à l'abri de laquelle il cherchera, en douce, l'or
des Incas. C'est le but de son voyage. La présence à bord
de cet Ibañez est une providence, grâce à lui il va
circonvenir les autorités chiliennes. S'il pouvait, en plus,
leur refiler sa balle explosible … ou leur revendre un
stock de dynamite … Il trimballe, comme toujours, son
matériel de démonstration avec lui. L'Araucania mouille
devant Punta Arenas, sur la côte ouest du détroit. Le
gouverneur de ce comptoir, le capitaine de vaisseau Oscar Viel, vient
à bord saluer le ministre, et Pertuiset en profite pour lui
faire force courbettes : ce type va lui être utile. Le
paquebot navigue entre des côtes boisées, des montagnes
couronnées de neige, des îles couleur de brume. La Terre
de Feu est une ligne mauve à l'est. Des baleines écument
la mer bleu cobalt, des troupes de dauphins font des entrechats dans
l'eau barattée par les roues à aubes. De grands oiseaux
planent dans le sillage, qu'il appelle indistinctement des albatros (il
a lu Baudelaire), de temps en temps il fait un carton 2.
D'autres fois, installé sur la coursive, bien emmitouflé,
il taquine l'aquarelle. « Ces paysages sublimes exigeraient
le pinceau d'un Maître tel que vous », écrit-il
à Manet.
☐ pp. 111-112 1. | L'usage a retenu Fuégien, plutôt que Feugien employé par Olivier Rolin. | 2. | Il n'a pas lu Coleridge, comme le lui fera observer plus loin
(p. 158) le lieutenant de vaisseau Jorge Montt
Alvarez … |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- Armando Braun Menéndez, « Pequeña historia fueguina », Buenos Aires : Domingo Viau, 1939 ; Emecé, 1945
- Armando
Braun Menéndez, « Chroniques australes »
trad. de l'espagnol par Jean-Baptiste Laîné, Paris :
Gallimard (La Croix du sud), 1961
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mise-à-jour : 13 octobre 2014 |
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