Le capteur de rêves / Hervé Vignes. - Matoury (Guyane) : Ibis rouge, 2006. - 167 p. ; 22 cm.
ISBN 2-84450-304-6
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9ème édition du Prix du Livre Insulaire : Ouessant 2007 |
livre sélectionné |
NOTE DE L'ÉDITEUR :
Des cadres et des situations de départ réalistes. Des
scénarii plausibles, fréquemment troublés par
l’irruption de phénomènes paranormaux,
drôles, poétiques ou angoissants.
Des fins, parfois ouvertes, qui entretiennent le mystère, des
narrateurs pouvant se révéler surprenants, des points de
vue variés, induisent une diversité
d’écriture sur l’ensemble du recueil.
Le décor enchanteur de la Martinique sert de toile de fond
à la plupart de ces nouvelles, ancrées le plus souvent
dans l’univers de l’enseignement.
Les démêlés de Cindy avec son encombrant capteur de
rêves, l’intrigante complicité de Sarah et de son
professeur, les relations extrêmement tendues de Lara et de ses
camarades, autant d’intrigues et de personnages auxquels le
lecteur s’attache.
❙ Originaire du Tarn-et-Garonne, Hervé Vignes,
ajourd'hui professeur de Lettres, a choisi d'exercer en France
ultramarine Après de longs séjours en Guyane et en
Polynésie, il vit, depuis quatre ans, en Martinique.
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EXTRAIT |
Je
suis à une quinzaine de mètres de la rue, non de
l'artère principale du bourg, mais d'une voie secondaire, un peu
à l'écart du centre. Les lieux sont déserts mais
le concert des chiens ne faiblit pas. C'est alors que
j'aperçois, venant de ma gauche et se dirigeant vers les pitons
voisins du Carbet, un spectacle insolite digne d'un autre temps. Un
cheval de trait passe, il traîne derrière lui une
charrette sur laquelle est couché un arbre
déraciné aux racines blanches, fluorescentes.
Derrière l'arbre, marchent un gamin et une femme vêtue
d'une gaule, qui lui donne la main. Il me semble que la femme ressemble
à celle qui m'a accueillie au gîte quelques heures plus
tôt. Lorsqu'ils arrivent à hauteur de ma fenêtre,
ils se tournent vers moi, la femme, le gamin et le cheval, avec une
lenteur synchronisée. Ils avancent en m'observant comme s'ils me
rendaient les honneurs. Je les vois me sourire, y compris le cheval qui
sort les dents. Je ne sais que penser tellement cette vision
m'oppresse, sans savoir pourquoi. Ce cheval n'est qu'un cheval, mais
que fait-il à cette heure ? Où vont la femme et le
gamin ? Pourquoi m'observent-ils avec insistance comme s'ils
voyaient un zombi ? Pourquoi les racines de l'arbre sont-elles
phosphorescentes ? J'ai la chair de poule magré la chaleur
tropicale. Je referme la fenêtre, terrorisée, tire le
double rideau. Je réalise soudain que je suis seule. Je
vérifie que toutes les issues, portes, fenêtres,
jalousies, sont hermétiquement closes. Ils est trois heures du
matin, la nuit promet d'être longue.
Elle l'est !
☐ Mutation, pp. 69-70 |
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mise-à-jour : 22 août 2007 |
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