Et dans cent
ans ? Réflexion sur l'avenir de
l'économie
polynésienne / Raoul Hanès. - Papeete :
Noriane,
2007. - 229 p. ; 19 cm.
ISBN
978-2-9527745-1-2
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Préoccupé
par l'avenir d'un territoire qu'il connaît bien, Raoul
Hanès jette un regard encyclopédique sur
l'économie de la Polynésie française
dont le
mérite premier est d'offrir au lecteur les informations
indispensables à une double mise en perspective —
historique et géographique ; une démarche qui met
au
premier plan la dynamique d'un développement tributaire des
atouts et des faiblesses hérités du
passé et dont
l'objectif prioritaire vise à optimiser les contraintes et
ressources propres au monde océanien.
Au premier
titre on notera l'incidence de
l'insularité qui a contraint les populations à
vivre en
autarcie presque complète jusqu'à l'irruption des
puissances européennes à la fin du XVIIIe
siècle. Progressivement s'est alors mis en place une
économie de dépendance fondée sur
l'échange
forcé qui caractérise les situations coloniales,
para- ou
post-coloniales — c'est l'économie de rente. Telle
reste, peu ou prou, la situation dont Raoul
Hanès souhaite que la Polynésie
française s'émancipe au plus vite.
Dans cette
perspective, l'examen du potentiel des
économies insulaires du Pacifique (Papouasie, Nouvelle
Calédonie, Nauru, …) fournit le cadre
d'une
réflexion qui, sans méconnaître la
théorie
économique ni les contraintes de la mondialisation des
échanges, cherche à évaluer handicaps
et atouts
spécifiques en vue d'asseoir un développement
adapté — la valorisation de la flore locale et du
savoir
accumulé par la tradition n'en est donc pas exclue, ni le supplément
d'âme, autrement dit la
sérénité et la
générosité, … la
joie de vivre et un sentiment
d'identité collective si fort qu'il a
été durant
des décennies le symbole même de Tahiti. Une
note
d'espoir qui balance heureusement l'inquiétude que souligne
rudement l'illustration de couverture — une gravure du XVIIIe
siècle (tirée d'un recueil des fables d'Esope)
représentant un naufrage …
❙ | Raoul
Hanès vit depuis plus de trente ans dans le Pacifique
français. Diplômé d'une grande école de
gestion, il a occupé des postes de direction financière
et de direction générale dans des entreprises de
Polynésie française et de Nouvelle Calédonie, de
secteurs allant de l'importation à la perliculture. Au sein
d'une société multinationale du secteur de
l'énergie et des services aux collectivités il a
exercé divers mandats sociaux de 1992 à 2004. |
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EXTRAIT |
Autarcie
polynésienne
L'autarcie était naturellement le mode de fonctionnement
économique des Polynésiens lorsqu'ils
colonisèrent
les îles du Pacifique au IIe
millénaire av.
J.-C. Avec des ressources limitées — nombre
d'espèces végétales et animales furent
apportées avec la colonisation —, ils
organisèrent
leur vie collective sans avoir besoin — ni d'ailleurs les
moyens
— de rechercher l'échange avec d'autres
populations, sinon
entre districts et îles voisines :
« La
caractéristique des sociétés
océaniennes
antérieurement à l'arrivée des
Européens,
mais ils n'étaient pas les seuls, était leur
incapacité d'accumuler des biens au sens
économique du
mot, à partir des productions primaires
transformées. Les
deux causes essentielles en sont une agriculture fondée,
malgré sa sophistication, sur des tubercules qui ne se
conservent que quelques jours pour le taro, quelques semaines pour la
patate douce, quelques mois pour l'igname (…), l'absence
aussi
de métaux » [« Histoire des
mœurs », Les mœurs en
Océanie,
Paris : Gallimard (La Pléiade), 1991]. Pas
d'échanges, mais l'équilibre entre les ressources
naturelles et la satisfaction des besoins des habitants, nourriture,
habillement, logement, déplacement, outillage, semblait
acquis
depuis plusieurs siècles à l'arrivée
des premiers
visiteurs. Ces derniers constatèrent la connaissance
approfondie
et l'exploitation très développée de
certaines
espèces végétales,
utilisées pour se
nourrir certes, mais aussi à bien d'autres usages. Le
cocotier
en est l'exemple le plus connu, qui servait en particulier —
outre d'aliment — à la couverture des habitations
et
à la réalisation de cordages d'une incomparable
solidité. Pour cause, en particulier, l'absence de
production de
métaux citée plus haut ; elle aboutit,
par
compensation, à une connaissance exceptionnellement
développée des végétaux,
dont les
observateurs ont rendu compte au cours de leurs visites aux XVIIIe
et XIXe
siècles. Ainsi qu'à des créations
originales, dont
on a parfois perdu le souvenir. L'économie autarcique
polynésienne a en effet abouti à des inventions
qui ont
permis de répondre aux handicaps de chaque environnement
particulier ; par exemple dans les Tuamotu, comme dans
d'autres
atolls du Pacifique, en l'absence de sols naturels, s'est
développée la technique des
« fosses à
culture ». « Ces fosses
permettent à la
fois de protéger des embruns, du soleil pour une bonne part,
et
de maintenir dans des conditions d'humidité satisfaisante
les
plantes qui en ont besoin, telles que le taro, le bananier et la canne
à sucre. L'utilisation systématique d'un paillage
destiné à pourrir sur place et que l'on
renouvelle
constamment apporte des éléments nutritifs, ce
qui
constitue en fin de compte, une autre forme de culture
intensive » [« Histoire des
mœurs », Les mœurs en
Océanie, Paris : Gallimard (La
Pléiade), 1991].
☐ Détour par
l'histoire économique, pp. 49-50 |
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mise-à-jour : 17
janvier 2008 |
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