RÉSUMÉ
Un rêve d'évasion
parcourt Les Errances d'Oisin (1899), La Croisée
des chemins (1899), La Rose (1893), Le Vent des
roseaux (1899). En cette période du préraphaélisme
et du Crépuscule Celtique, le poète, épris
de solitude, se tourne vers l'Arcadie et l'Orient avant que son
pays lui ouvre la porte du surnaturel. Mais légendes et
mythes ne peuvent offrir qu'un refuge temporaire, irréel.
Le poète de La Rose entend écrire pour l'Irlande
et affirme son nationalisme. Pourtant il atteint l'universel
grâce à un symbolisme nourri d'occultisme. Il recherche
Vérité et Beauté, symbolisées par
la Rose. Celle-ci dit aussi sa souffrance d'amour ; sa bien-aimée,
Maud Gonne, est, de par ses activités, liée à
son pays, la rose est alors l'Irlande. « La poésie
d'essences » du Vent dans les roseaux marque
une avancée symbolique. Entre les pétales de la
fleur, il découvre éléments chrétiens
et païens. La Vieillesse de la reine Maeve, Baile et
Aillinn et Les Ombres sur la mer sont la dernière
apologie des rêves.
Dans les Sept Bois (1904), lieu décrit
avec un réalisme jusqu'alors ignoré, et Le Heaume
vert (1910) témoignent d'un renouvellement. Une fois
bannis les rêves néfastes, Yeats accepte « le
baptême du caniveau ». A l'art de la tapisserie
succèdent des images pleines de vitalité. La douleur
causée par le mariage de Maud, la fièvre du mouvement
irlandais, élargissent le champ des sujets. Si la majorité
des poèmes traite encore d'amour, il est associé
à l'âge. Sa vie — amour, théâtre,
séjours à Coole — inspire Le Heaume vert.
Des traits satiriques visent les spectateurs de l'Abbey Theater.
Les thèmes du masque, de l'art, une conception politique
et sociale sont amorcés. « Dans les rêves
commence la responsabilité » : cette phrase
en exergue à Responsabilité (1914) donne
la clef du recueil. Le poète se sent responsable envers
le passé (ses ancêtres, ses amis disparus), envers
le présent où il s'engage dans trois controverses,
politique (Parnell), littéraire (Synge) et artistique
(Hugh Lane). Il attaque la mesquinerie et exalte les vertus d'une
aristocratie représentée par Lady Gregory ou l'insouciance
du mendiant.
Pâques 1916, la disparition
de Hugh Lane, la maladie de Lady Gregory, la mort de son fils,
son propre mariage, l'écriture automatique de sa femme,
l'acquisition de la tour Ballylee trouvent leur écho dans
sa poésie. Dans Les Cygnes sauvages à Coole
(1919) où la veine satirique côtoie l'inspiration
personnelle, des poèmes s'interrogent sur la personnalité
partagée entre moi et anti-moi et jouent du symbolisme
de la tour et de la lune. Michael Robarts et la danseuse
(1921) évoque les évènements d'Irlande et
sa vision de l'histoire, en même temps que son bonheur.
La Tour (1928), symbole de sa solitude orgueilleuse, de
l'ascétisme intellectuel qu'exigent création et
sagesse, l'insère dans la tradition anglo-irlandaise.
Aux images de stérilité et de destruction succède,
dans L'Escalier en spirales (1933), l'étonnant
péan à la vie d'un homme vieillissant. Pleine
lune en mars (1935) dénonce la confusion politique
tandis que « The Supernatural Songs » allient
passion charnelle et divine. Le début des Derniers
poèmes (1936-39) est pénétré
de « joie tragique », défi lancé
au temps. La suite, publiée à titre posthume, dresse
la silhouette menaçante de la fin des civilisations, s'interroge
sur son oeuvre et la création en général,
sur le sens de la vie et sur cette mort qui exacerbe la soif
du carpe diem.