L'île des
âmes / Piergiorgio Pulixi ; traduit de l'italien par
Anatole Pons-Reumaux. - Paris : Gallmeister, 2022. -
555 p. ; 18 cm. - (Totem, 214).
ISBN
978-2-35178-842-4
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| Non timas sos mortos, ma time sos bios. Ne crains pas les morts, mais les vivants.
☐ Proverbe sarde, — cité en épigraphe, p. 9 | |
Sardaigne,
2016. — La disparition d'une jeune fille déclenche
l'alarme dans toute l'île : la date, le lieu et les
circonstances ravivent un passé douloureux. En 1975, quelques
jours après le signalement de sa disparition, une jeune fille
avait été retrouvée sauvagement assassinée
et la piste d'un meurtre rituel n'avait pas été
écartée. En 1986, le cauchemar s'était reproduit,
à l'identique ou presque. Dans ces deux cas, les enquêtes
n'avaient pas abouti et, en 2016, elles avaient été
reléguées au département des “ crimes
non élucidés ” de la questure de Cagliari
— une voie de garage !
Les forces de l'ordre se
mobilisent pour retrouver Dolores Murgia la jeune disparue. On implique
même, discrètement, le responsable des enquêtes de
1975 et 1986 — retraîté rongé par
l'échec et par un cancer en phase terminale — et deux
enquêtrices du département des “ crimes non
élucidés ”, Eva et Maria, efficaces et
dévouées à l'intérêt
général, mais trop indociles envers leurs
supérieurs hiérarchiques pour se voir confier les
premiers rôles.
C'est pourtant la ténacité
et l'intelligence de ces trois têtes brûlées qui
vont faire évoluer l'enquête, après que le corps
martyrisé de Dolores Murgia ait été
retrouvé, dans une mise en scène inspirée des
précédents de 1975 et 1986.
Les pistes se
multiplient. Certaines mènent aux sociétés
pastorales archaïques du cœur de l'île
(Barbagia) ; d'autres dirigent les enquêteurs vers une secte
qui offre drogues et perversions sexuelles à des adeptes
envoûtés ; d'autres encore pourraient impliquer la
toute puissante oligarchie locale, assurée de l'impunité
que garantissent le pouvoir et l'argent.
Seules Eva et Maria
sauront déjouer les faux semblants, ignorer les tentatives
d'intimidation et parer une multitude de pièges. Mais le
dénouement leur réservera une de ces surprises dont on se
remet difficilement.
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EXTRAIT |
Complexe nuragique de Sirimagus, Tratalias, Sardaigne méridionale, 2016.
En
Sardaigne, le silence est presqu'une religion. L'île est
composée de distances infinies et de silences ancestraux qui ont
quelque chose de sacré. Tout en est imprégné : les
collines de maquis qui se découpent jusqu'à l'horizon,
les champs de blé à perte de vue, les plaines recouvertes
de ciste, de lentisques, de myrte et d'arbousiers qui saturent l'air de
parfums enivrants ; les montagnes qui se dressent timidement vers
le ciel, comme par peur de le profaner. Les hauts plateaux et les
pâturages où paissent les troupeaux et souffle le mistral.
Partout règne un silence pénétrant. L'homme ne
cherche pas à dominer la nature, car il la craint. C'est une
peur inscrite dans son sang, fille d'époques révolues. Il
sait d'instinct que la nature gouverne le destin des hommes et des
animaux, et il apprend vite à connaître et à
traduire tous les faits naturels qui l'entourent, car, aussi
étrange que cela puisse paraître, ce silence parle. Il
instruit et met en garde. Il conseille et dissuade. Et malheur à
celui qui ne témoigne pas la déférence attendue.
Au
sommet de l'éminence de Sirimagus, Moreno Barrali observait en
contrebas la plaine baignée d'un calme irréel et
cherchait à convertir ce silence en hypothèse. On
lui avait dit que la fille avait disparu dans cette zone. Le terrain
était constellé de nuraghes, de tombes de géants,
de murailles mégalithiques et de vestiges paléosardes. Un
lieu de culte et d'ésotérisme, comme dans les autres
dossiers. Sauf qu'ici, aucun homicide n'avait eu lieu. Après
l'annonce de la disparition, l'homme avait passé la zone au
peigne fin avec les bergers et les agriculteurs des environs, mais
n'avait trouvé aucune piste.
En soi, ça ne signifie rien, se dit-il. Celui qui l'a enlevée a très bien pu effacer les traces.
Lui-même
n'y croyait pas : dans les autres dossiers, le corps avait
été laissé bien en vue. Et puis ce n'était
pas encore sa die de sos mortos,
le jour des morts. Dolores était vivante, il le sentait. On
l'avait cachée quelque part, en attendant cette nuit maudite.
☐ pp. 23-24 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'isola delle anime », Milano : Rizzoli, 2019
- « L'île des âmes », Paris : Gallmeister, 2021
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- « L'illusion du mal », Paris : Gallmeister, 2022
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mise-à-jour : 15 novembre 2022 |
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