La
révolte des lettrés / Eleanor Cooney et Daniel
Altieri ; trad. de l'anglais par Alexis Champion. - Paris :
Pocket, 2002. - 442 p. ; 18 cm.
ISBN
2-266-11617-7
|
|
Que
savait-on de Hainan ?
Bien
qu'éloignée de la côte, l'île
ne pouvait
laisser les habitants de Canton indifférents. Voyaient-ils
les
troupeaux de prisonniers qu'on menait sur les navires en partance ? Que
savaient-ils des rumeurs que Ti avait entendues : les
révoltes d'indigènes, les maladies, la folie, les
suicides ?
☐ p.
55 |
Eleanor Cooney et
Daniel Altieri prennent ici la relève de Robert Van Gulik
(1910-1967) sinophile et sinologue qui, s'inspirant d'un magistrat
ayant vécu sous la dynastie des Tang au VIIe
siècle, imagina une suite d'intrigues
policières
dans la Chine impériale de cette lointaine époque
— un cadre historique et géographique exotique pour les
lecteurs occidentaux.
Cette
fois le juge Ti doit se rendre sur l'île d'Hainan,
île
tropicale mal connue et de ce fait propice aux fantasmes
— paradis pour les uns, enfer pour les autres. Sans
être totalement insensible à ces rêves
ou à
ces
hantises, le juge doit enquêter sur un mélange
d'allégations et de faits où s'imbriquent la
politique
impériale, les intrigues
administratives, la cupidité, la haine raciale :
exploitation des indigènes, trafic d'esclaves,
déportations arbitraires, foyers
d'épidémies
ravageuses, …
Au terme de son
enquête, le juge Ti aura constaté que violence,
perversion
ou abus de pouvoir s'épanouissent en tous lieux
— et
n'ont besoin ni de paradis ni d'enfers insulaires pour
prospérer.
|
EXTRAIT |
Le
grand magistrat Ti, un esprit rationnel s'il en fut, n'avait jamais
caressé l'idée qu'une terre hantée
pût
exister dans ce bas monde, mais il comprenait mieux
désormais
comment, après plusieurs années sur cette
île
maudite, on pouvait être amené à y
croire. Surtout
après le coucher du soleil, quand de nouvelles
légions de
créatures émergeaient de leur sommeil pour
remplir la
nuit de leur vacarme.
Ah, la nuit dans la jungle !
C'était le moment où il était facile
de confondre
le craquement des arbres et le bruissement perpétuel des
buissons avec les voix des esprits ou des farfadets. Et les
animaux ! Ils criaient, gémissaient, sifflaient et
caquetaient au point qu'on aurait cru qu'une déchirure
s'était produite dans la voûte céleste
et que les
habitants de l'autre monde s'étaient
précipités
par la brèche. Le délire qui s'était
emparé
de Ti chez Dame Djamal n'était rien comparé
à ce
qu'il ressentait désormais. Dans la jungle, le monde tout
entier
délirait.
On disait que les prisonniers en exil sur
Hainan devenaient rapidement fous. Ti ne doutait plus de la rumeur. Il
avait déjà la nostalgie de la ville, avec ses
marchés, ses commerçants, son gouvernement, ses
règles, où on pouvait trouver des auberges, des
rues
éclairées, de la nourriture servie dans de vrais
assiettes ; or il n'était sur l'île que
depuis deux
jours.
☐ pp. 319-320 |
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Shore of Pearls : a tale of seventh-century
China », New York : William Morrow, 1999
- « La
révolte des lettrés » trad. de
l'anglais par
Alexis Champion, Paris : Presses de la cité, 2000
|
|
|
mise-à-jour : 2
octobre 2018 |
|
|
|