Îles et
continents / Leung Ping-kwan ; traduit du chinois par Annie
Curien. - Paris : Gallimard, 2002. - 154 p. ;
19 cm. - (Du Monde entier).
ISBN 2-07-076309-9
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Les six nouvelles qui forment le présent
recueil ont pour dénominateur commun la ville de Hong
Kong. Cette ville si particulière de par son histoire
est en effet presque un personnage à part entière
de tous ces textes, si différents soient-ils par ailleurs.
Car l'auteur aborde son thème par des approches très
variées : l'humour, la gravité, la confusion
entre le passé et le présent, ou encore la confrontation
avec d'autres grandes villes. Les nouvelles de Leung Ping-kwan
interrogent ainsi l'influence de la colonisation britannique
et de tous les métissages culturels qui ont marqué
la ville, mais aussi la distance qui existe entre Hong Kong et
Pékin. Si Leung Ping-kwan est proche de certaines formes
d'expressions chinoises classiques, il explore néanmoins
le thème très contemporain de l'individualisme
de l'homme moderne, faisant face à un tissu urbain complexe
et se situant au carrefour de plusieurs cultures. C'est en cela
qu'il apporte un ton radicalement nouveau dans la littérature
chinoise d'aujourd'hui.
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MYRIAM KRYGER : Traducteur,
écrivain, poète, artiste, essayiste, Leung Ping-kwan aux
multiples facettes, Leung Ping-kwan (Liang Pingjun) aux nombreuses
casquettes, est bien, comme on le surnomme à Hong Kong, un
« Roi du dialogue ». […] Cet habitant
d’une « petite île excentrée »
aux marges de l’Empire du Milieu est un écrivain
habité par un questionnement sur le centre et la
périphérie, la distance et la proximité. Sous des
modalités et des tonalités très variées,
cette interrogation hante les récits d’Îles et continents,
choisis et traduits par Annie Curien, introductrice de
l’œuvre de Leung Ping-kwan en France. La
problématique identitaire qui sous-tend chacun des six textes du
recueil achoppe toujours sur le thème de la communication
— communication entre les espaces, entre les
subjectivités, entre l’individu et la
société.
[…]
Dans Îles et Continents,
nouvelle éponyme qui comporte de nombreux éléments
autobiographiques, une multiplicité de lieux et
d’époques ne cessent de se télescoper :
Etats-Unis, Shenzhen ou Hong Kong ; souvenirs d’une enfance
solitaire à Aberdeen ou premiers pas sur le continent chinois
à la fin de la Révolution culturelle ; portrait
d’une mère vertueuse et d’un grand-père
gardien des mœurs traditionnelles ; apparition
récurrente d’un couple sur un bateau contemplant des
temples où l’on brûle de l’encens ;
lettres écrites on ne sait d’où à une femme
mystérieuse ou à un ami qui « tapit son moi
dans une grotte ». L’éclatement des
repères spatio-temporels et de la structure narrative atteint
son paroxysme. Le trouble du sujet également.
D’emblée, le narrateur, qui ne parvient plus à
écrire, avoue être « incapable
d’entretenir des relations avec autrui dans la vie
réelle ». « Animal
blessé » qui a « besoin de temps pour
panser ses plaies », il s’enfonce dans
l’obscurité, il n’est plus que
« contorsion et chaos sans nom ».
« L’impossibilité totale de procéder
à quelque échange avec le monde »
s’installe, l’épaisseur âpre et rugueuse du
réel fait bloc, n’offrant plus d’interstices pour
l’appréhender, de fentes pour s’y glisser. La langue
elle-même se dérobe.
[…]
Toujours
en porte-à-faux, les personnages de Leung Ping-kwan semblent
condamnés à l’errance — affective, sociale,
géographique. Ces éternels étrangers en
quête d’un pays natal, d’un espace de
plénitude conforme à leur être, déambulent
sur le continent infini du questionnement, sur le territoire
illimité de la quête du sens. L’écriture,
comme le voyage, tisse alors un fil d’Ariane pour avancer dans le
labyrinthe d’un monde éclaté, s’orienter dans
le dédale d’un réel brouillé, relier les
fragments épars d’un puzzle aux combinaisons infinies.→ Perspectives chinoises, 72, Juillet-Août 2002, pp. 88-90
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - Leung
Ping-kwan, « De ci de là des choses »
(éd. bilingue) trad. du chinois par Annie Curien, Paris :
You-Feng, 2006
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mise-à-jour : 23 mars 2018 |
Né
en 1948, poète et professeur de littérature
comparée à l'Université de Lingnan (Hong Kong), Leung Ping-kwan est mort en 2013. |
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