Abrégé
de la vie d'Hippolyte Bonou, chef de la tribu de Pouébo
en Nouvelle-Calédonie / le père Rougeyron ;
préface de François Bogliolo. - Nouméa :
Grain de sable, 1995. - 79 p. : ill. ; 15 cm.
- (Destins, 2).
ISBN 2-84170-010-0
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NOTE DE L'ÉDITEUR : François Bogliolo présente
la vie d'Hippolyte Bonou, rédigée par le
père Rougeyron en 1868. Ce texte adapte à la Nouvelle-Calédonie
d'hier un genre littéraire connu en Europe depuis le Moyen-âge :
l'hagiographie ou rédaction des vies des saints.
Hippolyte Bonou fut-il un saint ?
Le père Rougeyron fut-il un biographe excessivement élogieux ?
Ces quelques pages — entre naïveté sincère
et manipulation subtile — éclaireront le jugement
du lecteur curieux.
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FRANÇOIS BOGLIOLO : […]
— Mais tout ceci est-il
bien historique, mon Père ?
— Histoire, toujours histoire. Qui te parle d'histoire ?
Je préfère te laisser cette idéalisation
missionnaire du héros kanak ; tu ne vas pas me reprocher
quelques petits accommodements imaginatifs. Nous vivons dans une
île, que diable ! Plongeons.
— Entre le récit et le folklore votre plume balance.
— Exactement. Il n'y a rien de plus édifiant que
ces Vies-là. Juste quelques notions pour créer
l'espace et le temps ; pour le reste, un peu d'imaginaire
chrétien n'a jamais fait de mal à personne. Et
puis, mourir à trente-trois ans comme le Christ — ou
environ —, cela n'est pas donné à tout
le monde.
[…]
☐ Préface, « Colloque
imaginaire sur une hagiographie qui ne veut pas dire son nom », pp. 4-5
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EXTRAIT |
Durant tout le gouvernement de
ce gouverneur 1, sage et éclairé, Hippolyte
fit lui-même et fit faire de rapides et utiles progrès
à sa tribu.
D'abord il voulut que l'état
de nudité, dans lequel tout le monde était, disparût.
Pour cela il fallait créer des ressources dans le pays ;
les missionnaires qui le poussaient dans cette voie nécessaire
pour les premiers besoins de la vie, lui enseignèrent
et lui procurèrent les moyens d'extraire l'huile de leurs
cocos.
Pendant que les uns étaient
occupés à la fabrication de l'huile, les autres
s'occupaient à la pêche et à la préparation
du tripan. Les bestiaux, porcs et volailles se multiplièrent
à la place des chiens dont j'ai parlé, élevés
sous l'ancien régime. La guerre ayant disparu, la culture
fleurissait ; l'abondance régnait partout et chacun
avait de quoi se procurer les habillements, les outils et les
autres choses de première nécessité. Le
progrès était immense. C'était un pas de
géant que ce peuple venait de faire dans notre civilisation,
sans presque s'apercevoir du changement. C'est là qu'il
faut admirer le tact habile du chef. Il les y avait menés
pas à pas, insensiblement ; mais toujours il les
avait fait avancer et jamais reculer, ni s'arrêter. Avec
tous ces travaux gigantesques pour un peuple habitué à
ne rien faire qu'à se dévorer les uns les autres,
on était heureux et content. C'était le règne
de la paix et du bonheur. Puisse-t-il régner toujours !
☐ pp. 42-43 1. | Eugène du Bouzet, gouverneur
des Établissements français d'Océanie du
18 janvier 1855 au 28 octobre 1856. |
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mise-à-jour : 9 octobre 2006 |
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