NOTE DE L'ÉDITEUR : La Corse … Un monde « immobile à grands pas » à l'intérieur duquel la lumière de la modernité peine à entrer. Pourtant, cette société subit les mutations d'un monde extérieur perçu comme destructeur d'un passé souvent idéalisé. Albert Camus rappelle que Sisyphe condamné par les dieux à rouler sans cesse son rocher en haut de la montagne d'où il va retomber à nouveau, et nous dit qu'il faut pourtant imaginer « Sisyphe heureux ».

Comparant l'histoire de la Corse à ce « supplice heureux », Anne Meistersheim analyse les contradictions, les ambiguïtés et les ruses de la Corse qui, à l'instar du « Guépard » de Lampedusa, accepte que « tout change pour que rien ne change ». Île Janus, terre à la personnalité multiple, microcontinent façonné par une histoire tragique, la Corse est ici étudiée avec amour mais sans complaisance.

L'auteur semble ainsi s'inscrire dans le sillage d'un Nicolas Giudici, avec cependant moins de noirceur. Car au lieu du « Crépuscule des Corses » et de la Corse, Anne Meistersheim évoquerait plutôt toutes les promesses de ses aubes. Cette fine peinture de la complexité insulaire, méditerranéenne et pourtant singulière passionnera ceux qui tentent de parcourir les méandres de l'âme corse.

SOMMAIRE

Introduction : Sisyphe heureux Ch. 1 : entre communauté et société Ch. 2 : la passion de la politique Ch. 3 : l'hésitation devant l'économie Ch. 4 : changer pour que rien ne change [✶ extrait ci-dessous] Ch. 5 : transhumances et labyrinthes Ch. 6 : entre partir et revenir Ch. 7 : entre soi et l'autre Ch. 8 : entre spectacle et silence Ch. 9 : entre Eros et Thanatos ✶ « […] au moment où certains groupes, engagés dans différentes actions, semblent atteindre un but important ou un niveau qui va leur permettre d'évoluer ou même de changer notablement, un conflit surgit qui divise les forces et fait régresser le groupe ou, au moins, l'affaiblit. Ces mécanismes sont évidemment inconscients et échappent à l'action individuelle, même si celle-ci voudrait en prendre le contre-pied. Ce sont des mécanismes de régulation de la société qui tente, et réussit le plus souvent, à demeurer semblable à elle-même, même si elle semble changer. La littérature a bien rendu compte de ce phénomène : nous nous contenterons de rappeler ce passage du roman Le Guépard où Lampedusa nous explique que la société sicilienne consent à de menus changements … pour ne pas changer vraiment ! » — p. 87