Le goût
des autres : récit d'une Bretonne à Madagascar /
Véronique Lunven ; avant-propos par Angèle Jacq. -
Rennes : Les Portes du large, 2007. - 159 p. ;
20 cm. - (Monde solidaire).
ISBN 978-2-914612-24-1
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Petite-fille de paysans bretons Véronique Lunven, une fois
diplômée de l'Institut d'études politiques de
Rennes, choisit de militer contre les inégalités entre les pays riches et les pays pauvres et rejoint dans ce but l'ADFI-Bretagne, une
association composée d'agriculteurs qui œuvrent pour le
développement des pays du Sud sur la base d'échanges
« de paysan à paysan ». Elle
est envoyée à Madagascar, dans la région de
Tsiroanomandidy (capitale de la région Bongolava, au centre du
pays) pour accompagner l'action de deux groupements d'associations et
de trois communes rurales : « concrètement,
mon temps se partageait entre l'élaboration et le suivi des
budgets et de la comptabilité, les réunions internes aux
cinq structures (…) et la préparation et l'accueil de
" missions " venues de Bretagne ».
La lecture du Goût des autres révèle
trois strates étroitement imbriquées :
Véronique Lunven parle avec chaleur de la vie quotidienne des
Malgaches auprès desquels elle a vécu le temps de remplir
la mission qui lui avait été confiée ; elle
porte de l'intérieur un regard analytique et souvent critique
sur les objectifs et les mécanismes de l'aide au
développement ; enfin, de page en page s'exprime une
expérience plus intime dont témoigne le choc en retour
qui, au terme de la mission, impose une véritable cure de désintoxication, comme à qui a vécu les hauts et les bas d'un chagrin d'amour — gage d'une lucidité nouvelle face à la vie.
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EXTRAIT |
Samedi 26 mars 2005 : PPU, projets participatifs urgents
Le
samedi est normalement chômé par les bureaucrates et autres salariés
des ONG que nous sommes. Mais aujourd'hui, le chef de la Région nous
convie à une réunion exceptionnelle. En effet, il faut agir rapidement.
Le Président de la République, également partie prenante de la plus
grosse entreprise de produits laitiers du pays, a fait venir des vaches
Holstein de Nouvelle-Zélande. Elles ont été stockées à moins de cent
kilomètres de Tsiro en attendant d'être vendues à des éleveurs,
notamment ceux des hautes terres, où l'élevage laitier est très
répandu. Il en va de l'honneur de notre Région d'en acheter
quelques-unes. Nous avons trois jours pour nous manifester,
c'est-à-dire à peine le temps pour moi de prévenir les groupements
paysans répartis à quatre-vingt kilomètres à la ronde sans accès au
téléphone. La vache est vendue quinze millions de francs malgaches,
soit environ mille deux cent euros ! Cela équivaut à cinq ans et demi
de travail d'un journalier et au coût de sept vaches de race locale.
D'après la fiche technique, la Holstein produit jusqu'à cinquante
litres de lait par jour quand la vache de race locale n'en produit que
deux ou trois. De plus, comme elle ne sait pas courir, elle ne sera pas
volée … C'est intéressant ! Mais personne n'a lu la petite étoile en
bas de la fiche technique qui précise les conditions d'alimentation,
d'hygiène, de température, pour atteindre une production optimale. Même
les éleveurs les plus expérimentés de Tsiro n'arrivent pas à réunir ces
conditions. La mort assurée pour les vaches et la ruine des paysans
crédules. D'une manière générale, la méconnaissance des réalités du
terrain est une qualité très répandue parmi les dirigeants malgaches
shootés au développement à l'européenne. Par ailleurs, écouler les
excédents est une préoccupation logique des pays riches. Les
universités européennes auraient donc tort d'enseigner autre chose aux
futurs cadres des pays sous-développés !
☐ pp. 81-82 |
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site internet de Véronique Lungen |
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mise-à-jour : 4 décembre 2007 |
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