Heinrich Böll

Journal irlandais

Éd. du Seuil

Paris, 1969
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Irlande
Journal irlandais / Heinrich Böll ; trad. de l'allemand par Charles Bladier. - Paris : Seuil, 1969. - 151 p. ; 19 cm.
ISBN 2-02-001549-8

L'édition allemande du Journal irlandais — Irisches Tagebuch — d'Heinrich Böll a été publiée en 1957 ; s'y trouvent relatés et commentés quelques temps forts d'un séjour effectué en 1954. Les miracles économiques de l'époque étaient allemands (de l'Ouest), et l'Irlande, comme le note Böll dès le premier chapitre, était un pays de fumeurs impénitents qui aurait pu imaginer que viendrait un jour où l'on ne fumerait plus dans les pubs ?

La traduction anglaise Irish journal, a traveller's portrait of Ireland, Londres : Minerva, 1995 est complétée par un Epilogue daté de 1967. L'auteur y note que treize ans ont profondément changé le visage de l'île : Limerick is no longer the Limerick of 1954. S'il fournit quelques exemples (la pilule entre autres qui, comme ailleurs en Europe, est entrée dans les mœurs) et s'il reconnaît avoir « saisi » l'Irlande au moment précis où elle s'apprêtait à prendre un essor décisif, il se refuse comme écrivain, très certainement aussi comme observateur ou analyste, à modifier les grands traits de son portrait conscient que les évolutions en cours sont en germe dans les traits surpris lors du premier contact.

Lire our relire le Journal irlandais d'Heinrich Böll permet d'ouvrir ou d'enrichir un dialogue avec un visage cher qui, sans jamais se déjuger, n'a pas fini de surprendre … heureusement.

NOTE DE L'ÉDITEUR : Irlandais certes. Qui ne reconnaîtrait dans ces pages les douceurs amères, les prières mêlées de jurons, l'étrange et quotidienne dissonnance de révolte et de résignation qui font l'Irlande ? Et ce que nous appelons la poésie, là-bas plus courante que l'eau, plus abondante que le pain, plus vivante parfois que l'homme. Donc, la souffrance sans doute. Oui l'Irlande.

Mais vue par l'écrivain Böll, cet Allemand qui lui-même cultive courageusement son désaccord intime avec l'Allemagne. Émerveillé, souriant, ému, à mille lieues des miracles économiques, plongé dans la générosité folle d'un monde que la modernité blesse mais n'infecte pas, d'un monde révolu ou peut-être déjà futur. C'est ici pour Böll le journal d'un double exil, l'un voulu, temporaire, simple dépaysement saisonnier, l'autre subi, permanent, celui d'un voyageur qui jamais ne retrouve sa patrie.

EXTRAIT

On appelle limericks de petits poèmes de forme fixe, où l'effronterie et le mordant de l'épigramme s'allient à la malice enjouée de la charade rimée. La ville de Limerick en a fourni le prototype et leur a donné son nom. J'ai gardé un joyeux souvenir de cette ville : la joie était dans toutes les rues, apportée par la musique de la cornemuse ; ce n'était que bouts rimés, calembours et jeunes filles souriantes. Cette joie nous l'avions déjà rencontrée sur la route de Dublin à Limerick : des écoliers de tous âges beaucoup nu-pieds trottaient gaiement sous la pluie d'octobre ; on les voyait venir de loin entre les haies, par les chemins boueux, innombrables, courant les uns vers les autres, s'unissant, s'agglutinant comme gouttes de pluie dans une rigole ; puis la rigole devenait un ruisseau qui devenait un peu plus loin une rivière dont les eaux s'écartaient parfois, avec une bruyante complaisance, pour laisser passer une auto. La route restait vide quelques secondes quand l'auto avait fait s'égayer un groupe important, puis les eaux se refermaient, les gouttes retombaient dans la rivière : jeunes écoliers irlandais souvent vêtus au petit bonheur de vêtements aux rapiéçages multicolores ; ils se bousculaient en riant et ceux qui ne montraient pas de la gaieté n'en paraissaient pas moins insoucieux ; ils trottaient ainsi pendant des heures sous la pluie, pour aller en classe et pour en revenir, tenant d'une main leur batte de hurling et de l'autre leurs livres attachés par une courroie. Pendant cent quatre-vingt kilomètres l'auto traversa des troupes d'écoliers, dont beaucoup étaient vêtus pauvrement, mais presque tous avaient l'air heureux.

Portrait d'une ville irlandaise, pp. 56-57

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Irisches Tagebuch », Cologne : Kiepenheuer & Wtisch, 1957
  • « Irisches Tagebuch » mit Materialien und einem Nachwort von Karl Heiner Busse, Cologne : Kiepenheuer & Witsch, 1988
  • « Journal irlandais », Paris : Le Livre de poche (Livre de poche, 4774), 1976
  • « Irish journal, a traveller's portrait of Ireland », Londres : Minerva, 1995
  • « Irish journal » with an introduction by Hugo Hamilton, New York : Melville house publishing, 2011
  • Hugo Hamilton, « Die redselige Insel : irisches Tagebuch » (an Irish journal fifty years after Heinrich Böll), München : Luchterhand-Literaturverlag, 2007

mise-à-jour : 16 octobre 2012

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