Jean-Michel Barrault [Khaleel Torabully]

Le Sacre et la Pensée, 1529, de Dieppe à Sumatra

Seghers - Étonnants voyageurs, 11

Paris, 1989
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Le Sacre et la Pensée, 1529, de Dieppe à Sumatra : les capitaines-poètes de Jean Ango ouvrent la route des Indes fabuleuses / Jean-Michel Barrault. - Paris : Seghers, 1989. - 302 p.-[16] p. de pl. : ill. ; 24 cm. - (Étonnants voyageurs, 11).
ISBN 2-232-10167-3
cela tu feis, afin que honneur te prit
comme françoys, qui, premier, entreprit
de parvenir à terre si loingtaine

Jean Parmentier, Traité en forme d'exhortation, p. 250

NOTE DE L'ÉDITEUR
: Le 3 avril 1529, Le Sacre et La Pensée, deux nefs de vingt mètres, appareillent de Dieppe : aux ordres du richissime armateur Jean Ango, Jean et Raoul Parmentier, à la fois marins, humanistes et poètes, ont pour mission d'ouvrir à la France la route de l'Orient et de ses trésors.

À partir de leur livre de bord, Jean-Michel Barrault, qui a parcouru sur son propre voilier toutes les mers du globe, fait revivre cette hallucinante épopée en un texte où court, épais et riche, au fil des pages, le sang des hommes. Dans cette navigation hasardeuse sur des mers ignorées, tandis que les capitaines, hallucinés par leurs rêves, s'enferment dans leur cabine pour traduire Salluste et rimer des vers, les matelots, dormant à même le pont sur des paillasses, souffrent de la faim et de la soif, subissent calmes et tempêtes, connaissent l'espoir et la peur.

Ils seront massacrés par les sauvages, décimés par le scorbut, les fièvres, les fortunes de mer. Une poignée de moribonds débarquera à Dieppe avec un butin dérisoire : quelques tonneaux de poivre. Ce tragique bilan découragera les Français qui laisseront les Portugais piller seuls, pendant plus d'un siècle, les fabuleuses richesses de l'Orient.
EXTRAIT Le vendredi 29 octobre [1529], enfin, apparaît une grande terre : Sumatra. “ L'île a deux cent cinq lieues de long sur une largeur pareille, raconte Jean Parmentier, deux hivers et deux étés chaque année, mais les hivers sont aussi chauds que nos étés. ” En arrière-plan se dresse une chaîne élevée dominée par les treize mille huit cents pieds du mont Ophir.

Le dernier jour du mois, ils mouillent au large de la rive. Les marins contemplent ces hautes collines qui s'étagent, la riche végétation. Après les jours et les jours de mer, les yeux se rassasient d'une exubérance de verts, de la luxuriance de cette île aux innombrables rivières, où les cascades jaillissent des montagnes, emplissent les lacs, nourrissent les sources. Ils hument ces effluves qu'apporte la brise, odeurs d'épice et de bois fraîchement coupé, fumets de repas venus avec un révolin *, senteurs de terre humide et de forêt. A pleins poumons, narines ouvertes, ils respirent les parfums de l'Orient. Ils offrent leurs oreilles aux sons, rumeurs de voix dans une langue qu'ils ne comprennent pas, cris d'enfants, braiement d'un âne, étrange musique d'une flûte aigrelette, choc sourd d'une hache taillant un tronc, et, mon Dieu, oui, ils ont bien entendu, énervé, énervant, le rire d'une femme.

Demain, ils débarqueront. Demain, ils iront vers ce village dont on voit les fumées. Ils rencontreront ces gens qui parlent. Ils mangeront de ces fruits qui redonnent la force. Ils verront ces femmes que les premiers voyageurs ont dites fort belles.

pp. 180-181
       
*Révolin : tournoiement de vent dévié par un obstacle.
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Le Sacre et la Pensée », Paris : Payot (Voyageurs, 282), 1996
  • [Pierre Crignon, André Thevet], « Le discours de la navigation de Jean et Raoul Parmentier de Dieppe : Voyage à Sumatra en 1529 ; Description de l'isle de Sainct-Dominigo » publié par Charles Schefer, Paris : Ernest Leroux, 1883

mise-à-jour : 12 janvier 2022
Jean-Michel Barrault : Le Sacre et la Pensée, 1529, de Dieppe à Sumatra
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