Harold Sonny Ladoo

Nulle douleur comme ce corps

Les Allusifs

Montréal, 2006
bibliothèque insulaire
   

   

parutions 2006

Nulle douleur comme ce corps / Harold Sonny Ladoo ; traduit de l'anglais par Marie Flouriot et Stanley Péan. - Montréal : Les Allusifs, 2006. - 159 p. ; 19 cm.
ISBN 2-922868-38-9

Nul feu comme la passion ;
Nulle défaite comme la haine ;
Nulle douleur comme ce corps ;
Nul bonheur plus grand que le repos.

Le Dhammapada


NOTE DE L'ÉDITEUR
: Nous sommes en 1905, dans une île des Caraïbes, chez des Hindous venus travailler avec les Créoles dans les plantations de canne à sucre. Quatre enfants vivent avec leur mère, Manman, dans une paillote en pisé, au sol en terre battue, meublée de caisses à patates. On y boit l'eau de pluie, on y dort sur des sacs à riz, on s'y vêt de sacs à farine.

Au mois d'août, tout est noir et lugubre, le vent et la pluie pilonnent le monde, les nuages sombres se rapprochent de la terre, l'eau des rizières déborde des digues. Manman vaque à tous les travaux, les enfants traquent les têtards, quand soudain le père reparaît. Fou de haine, ivre de rhum, il essaie de noyer Manman dans une cuve à lessive, et pousse les enfants terrifiés à fuir dans la pluie froide, parmi les serpents d'eau …

Doué d'un style pur et sans esbroufe, Harold Sonny Ladoo transpose la peur enfantine de l'anéantissement en une terreur primordiale venue du fond des âges, la terreur d'être dévoré par le monde, par le ciel et la terre. Ainsi, craignant d'être mangés par les chiens errants et les rats dans la maison des morts, par les fourmis rouges, les serpents, les scorpions et les araignées venimeuses, mais aussi par le Diable et les diablesses, par les mauvais esprits et les dieux aryens, et puis par Bondieu pourri dans le ciel, Manman et ses enfants, semblables à un tas de boue vivante sous des couches et des couches de noirceur, n'ont que la folie pour horizon …

❙ Né en 1945 à La Trinité (Caraïbes), Harold Sonny Ladoo a grandi dans une famille de paysans puis a émigré en 1968 au Canada, avec sa femme et deux enfants. Il mène alors une double vie, passant ses journées à écrire et étudier et ses nuits à travailler dans divers restaurants pour faire vivre sa famille. En 1972, House of Anansi Press publie son premier roman, No Pain Like This Body. Ceci vaut à Ladoo d'être immédiatement reconnu comme un nouveau talent littéraire. Il retourne à La Trinité en août 1973. Ce voyage se termine tragiquement quand, à la sortie d'un bar, il est assassiné brutalement.
EXTRAIT

C'était au tour du prêtre de raconter une histoire. Mais le prêtre se plaignait ; parlant tout doux tout doux et expliquant qu'il se sentait mal. « Ne faites pas l'idiot, Baba, dit Papa, racontez l'histoire.
— D'accord », dit le saint homme.

La bouche bée, les gens du village se préparaient à écouter l'histoire. Le prêtre les observa un peu, puis il raconta l'histoire de John Sharp, le Blanc, et du grand-père de Benwa, le lutteur au bâton. Le grand-père de Benwa s'appelait Karan. Il arriva sur l'île Caraïbe en 1845. Il alla alors travailler comme engagé sur le domaine indien. John Sharp était le contremaître. Karan était très fort. Il finit son engagement en 1850, mais il resta sur le domaine et continua à travailler avec le Blanc. En 1855, quand le Blanc quitta le domaine indien pour venir à Tola, il emmena Karan avec lui. Puis Karan quitta Tola et s'en alla. Bien des années après, Karan revint à Tola avec une charrette. Il vivait dans la maison du Blanc.

Tous les jours, Karan prenait la charrette à Rajput Road et partait pour les monts Caraïbes. Des années durant, il rapporta des pierres qu'il laissait dans le cimetière de Tola. Puis le Blanc et le grand-père de Benwa, le lutteur au bâton, allèrent à Spanish City et en ramenèrent un autre Blanc. Le Blanc inconnu construisit une tombe. Peu après, Karan mourut, et John Sharp et le Blanc inconnu de Spanish City enterrèrent Karan dans la tombe. Puis on appela ce quartier de Tola le « bourg Karan ». Ainsi le grand-père de Benwa, le lutteur au bâton, restera un mystère pour Tola, parce que c'était un grand homme.

Le prêtre pinça les lèvres et regarda les gens.

Alors Jadoo se croisa les bras et dit : « Moi je ne pense pas que Karan était un si grand homme que ça. »

Les autres voisins avaient peur de répliquer à Jadoo, parce que c'était l'un des bagarreurs de Tola. Mais l'unijambiste dit, en clignant de l'œil : « Jadoo, tu as attendu que Benwa soit parti avec le vieux à Tolaville avant de parler. Tu peux dire ce que tu veux. Mais Karan était un grand homme, je vous le jure. »

Le prêtre savait que Jadoo avait le sang chaud, alors il dit : « Faites donc passer des cigarettes. Apportez du café et des affaires pour tout le monde. »

pp. 93-94

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « No pain like this body », Toronto : Anansi, 1972
  • « Yesterdays », Toronto : Anansi, 1974 ; Montréal : Les Allusifs, 2007

mise-à-jour : 12 avril 2007
Harold Sonny Ladoo : Nulle douleur comme ce corps
   ACCUEIL
   BIBLIOTHÈQUE INSULAIRE
   LETTRES DES ÎLES
   ALBUM : IMAGES DES ÎLES
   ÉVÉNEMENTS

   OPINIONS

   CONTACT


ÉDITEURS
PRESSE
BLOGS
SALONS ET PRIX