Les tambours de
l'oubli : la vie ordinaire et
cérémoniale d'un
peuple forestier de Papouasie = Drumming to forget :
ordinary
life and ceremonies among a Papua New Guinea group of
forest-dwellers / Pascale Bonnemère, Pierre
Lemonnier ; traduction en anglais de Nora Scott. - Papeete : Au Vent des
îles, 2007 ; Paris :
Musée du quai Branly. - 213 p. :
ill. ; 30 cm. -
(Chemins de l'ethnologie).
ISBN
978-2-9156-5431-8
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| Les
Ankave sont au nombre de ces populations quelque peu cachées
sous les arbres et les nuages qui excitent l’imagination.
☐
Prologue,
p. 10
The
Ankave are one of those populations half-hidden beneath trees and
clouds that excite the imagination.
☐
Prologue,
p. 14 |
NOTE DE L'ÉDITEUR : Les tambours de l'oubli raconte
la vie contemporaine d'un petit peuple forestier de
l'intérieur
de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Bien que
« découverts » par des
chercheurs de
pétrole en 1938 et
« pacifiés »
à la fin des années 1960, les Ankave n'ont
toujours ni
route ni piste d'aviation ni infirmerie ni école. Ils ne
sont
pourtant pas plus « à l'âge de
pierre » que pris dans les mailles de la
« mondialisation ».L'ouvrage
couvre en texte et en images les multiples aspects de leur
vie quotidienne (semi-nomadisme, jardinage, formes de
sociabilité, mariage, relations entre les hommes et les
femmes)
ou moins ordinaires (cérémonies de deuil,
initiations
masculines, découverte de l'Église).Comme
nous, les Ankave voient dans ces images publiées avec leur
accord la mémoire d'un temps qui ne sera bientôt
plus.Drumming to forget relates
the daily life of a small population of highland forest-dwellers in the
interior of Papua New Guinea. Although they were
« discovered » in 1938 by a team
exploring for
oil and were « pacified » in the
late 1960s, the
Ankave still are without roads, an airstrip, an health post or a
school. Yet they are neither living in the « Stone
Age » nor caught up in the web of
« globalization ».
The
text and photographs in this book show the many faces of Ankave
everyday life (semi-nomadism, gardening, forms of sociability,
marriage, gender relations) as well as less ordinary events (mourning
rites, male initiations, first contacts with the church).
Like
us the Ankave see these images, published with their permission, as
capturing the memory of a time that will soon be no more. |
MAURICE
LEMOINE : […]
Cet ouvrage lève un coin de voile sur [les Ankave], peuple
occupant une haute vallée de l’Etat
indépendant de
Papouasie-Nouvelle-Guinée. Une région presque
vide
d’hommes, à l’écart des
grands axes de
communication. Traités à l’occasion de bus kanaka
(« ploucs de la
forêt ») par leurs voisins
plus …
« civilisés », ils
apprécient la solitude de leur milieu naturel, mais
« ne sont certainement pas [les] grotesques
représentants d’une prétendue tribu de
l’âge de pierre », ni
« de sages
pionniers de l’écologie ». Les
rituels
spectaculaires et les cérémonies grandioses ne
sont
qu’un moment de la vie de leur société.
Ils peuvent
à la fois « vivre jour après
jour dans un
réseau de stratégies sociales,
d’interdits et
d’esprits invisibles ancrés dans une histoire qui
n’est pas la nôtre », demeurer
hors de
l’économie de marché, tout en
rêvant de biens
manufacturés, d’une école,
d’une infirmerie
ou d’une piste d’aviation.
[…]
☐ Le Monde diplomatique, mai
2008 [en
ligne]
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EXTRAIT |
Les
vallées des Ankave ne retentissent plus des hurlements
anti-sataniques de missionnaires de choc, et ce qu'ils savent des
préceptes chrétiens de base
— ne pas tuer,
voler ou s'emparer de l'épouse du
voisin — s'accorde
sans trop de mal avec l'ordre moral institué par les
initiations. Comme nous le déclare un jeune homme,
«
L'Église, c'est bien pour renforcer les esprits ;
mais
qu'est-ce qui renforcerait les corps si on ne perforait pas le nez des
garçons ? » Du paradis ou de
l'enfer (…),
ils ont entendu parler, mais, pour l'heure, ce sont les
songain
(cérémonie et chants de lever de deuil) et les
initiations qui les rassemblent en masse. Pas la messe, que plus
personne ne célèbre.
Les Ankave
ne sont pas tournés vers le passé pour autant,
et ils apprécieraient fort de perdre un peu de leur toute
relative autarcie en échange des soins
élémentaires que reçoivent leurs
voisins mieux
lotis : « Sommes-nous donc des porcs et des
chiens ! » est la phrase dix fois entendue
par laquelle
ils déplorent l'indifférence des
autorités
papoues. Ils continuent d'attendre la piste d'aviation sans laquelle
aucun infirmier n'acceptera de s'installer durablement parmi eux.
Après le dispensaire viendra l'école qui, bien
plus que
l'Église ou que cette ébauche
d'intégration qu'est
la plantation de quelques caféiers, constituera le second
bouleversement intervenu dans la vallée de la Suowi, trente
ou
quarante ans après ce premier ébranlement
culturel que
fut l'arrêt des combats tribaux, (…).
Ils
n'ignorent donc rien du monde extérieur, et savent
même qu'en France, en Australie et jusqu'en Papouasie
Nouvelle-Guinée, puisqu'ils nous y ont autorisés,
des
hommes et des femmes inconnus peuvent désormais
connaître
leur existence et découvrir leur mode de vie en lisant ce
livre.
☐
p. 190
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EXCERPT |
The
Ankave valleys no longer ring with the anti-satanic rantings of
evangelical shock troopers, and what they know of the basic Christian
principles — do not kill, steal or make off with
your
neighbor's wife — jibes well enough with the moral
order
inculcated by the initiations. As one young man told us :
« The church is good for making the mind strong, but
what
would make the body strong if we didn't pierce the boy's
nose ? » They have heard of heaven and hell
(…),
but for the time being, the songain
(ceremony ending the mourning period) and the initiations are what
bring them flocking. Not Sunday service, which is no longer held.
This does
not mean that the Ankave look to the past ; they would
gladly give up a bit of their highly relative autarky in exchange for
the health care their better-off neighbors receive :
« Are we pigs and dogs,
then ?! », is the
phrase that is used over and over to deplore the indifference shown by
the Papuan authorities. They are still waiting for the airstrip without
which no health worker will consent to come and live. After the
dispensary will come the school, which, much more than the church or
their incipient integration into the market economy reprensented by the
recent planting of a few coffee bushes, will produce the second
upheaval in the Suowi Valley. This will be thirty or forty years after
the first cultural revolution that came with the cessation of tribal
warfare, (…).
So they
know all about the outside world, and that in France, in
Australia and even in Papua New Guinea — since they
have
given us their permission — men and women they do no
know
may now learn about them and their way of life by reading this book.
☐
p. 204
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Pascale
Bonnemère, « Le pandanus rouge :
corps,
différence des sexes et parenté chez les
Ankave-Anga,
Papouasie-Nouvelle-Guinée »,
Paris : Maison des
sciences de l'homme, CNRS, 1996
- Pascale
Bonnemère (ed.), « Women as unseen
characters :
male ritual in Papua New Guinea »,
Philadelphia :
University of Pennsylvania press, 2004
- Pascale
Bonnemère, « Agir pour un
autre : la construction de la personne
masculine en Papouasie Nouvelle-Guinée »,
Aix-en-Provence : Presses
universitaires de Provence (Penser pour le genre), 2015 ;
« Acting for others : relational transformations in
Papua New Guinea » translated by Nora Scott, Chicago :
Hau books, 2018
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- Pierre
Lemonnier,
« Guerres et festins : paix,
échanges et
compétition dans les Highlands de Nouvelle
Guinée », Paris : Maison des
sciences de
l'homme, 1990
- Pierre
Lemonnier,
« Le sabbat des lucioles : sorcellerie,
chamanisme et
imaginaire cannibale en
Nouvelle-Guinée »,
Paris : Stock, 2006
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mise-à-jour : 17
juillet 2008 |
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