Tony Duvert

L'île Atlantique

Les Éd. de Minuit

Paris, 2005
bibliothèque insulaire
       
parutions 2005
L'île Atlantique / Tony Duvert. - Paris : Les Éd. de Minuit, 2005. - 323 p. ; 18 cm. - (Double, 33).
ISBN 2-7073-1933-3
NOTE DE L'ÉDITEUR : Dans une île de la côte Atlantique, des garçons, âgés de sept à quatorze ans, vivent clandestinement une existence autonome. Issus de familles que tout oppose, du fils de maraîcher au fils de notable, leur bande se livre à des chapardages, puis à des cambriolages en règle, avec toutes les conséquences qui s'ensuivent.

Avec Duvert, pour la première fois, peut-être, dans la littérature, on découvre le monde uniquement du point de vue de l'enfant. Les adultes, dans leur comportement le plus intime, restent des parents. Ce récit, d'une écriture aussi claire que maîtrisée, est la fois plein d'humour et de violence..
       
Tony Duvert (1945-2008) a publié douze ouvrages aux Éditions de Minuit de 1967 à 1989. Paysage de fantaisie a obtenu le Prix Médicis en 1973.
BERTRAND POIROT-DELPECH : L’île Atlantique pourrait être l’île de Ré. Même site, même climat, mais surtout même population à la fois entretenue et détraquée par les invasions estivales. Le chef-lieu, vingt-cinq mille âmes, compte en fait vingt-cinq mille corps, que ne réfrènent plus les craintes du curé et du qu’en-dira-t-on.

Quand ces peurs ancestrales régnaient, les enfants trouvaient déjà le moyen de les braver. Maintenant que les interdits vacillent, ils s’en donnent à cœur joie. Le vieil adage a vécu : les enfants du Bon Dieu doivent être pris, bel et bien, pour des canards sauvages.

[…]

L’auteur laisse percer son sentiment sur cette jungle. Il I’impute aux nantis, aux quinquagénaires à « moumoutes » qui miment, en vacances, la liberté confisquée aux vrais adolescents. Il en veut aux notables d’engluer les jeunes dans le piège de la charité. Les parents sont suspects de haïr leur progéniture, de ne veiller qu’à la « mangeaille » et aux lessives, de ne croire qu’au « talion » — « il faut payer », — qu’à la taloche. Les enfants sont approuvés de répliquer en barbares tranquilles à cette gérontocratie sans cœur ni idéal, d’en vouloir à leurs médiocres parents de ne pas savoir se vendre aux riches. Faire le Mal, si tant est que l’éducation l’identifie encore, devient la seule façon d’échapper à ce que l’un d’eux appelle « une marée de dégoût ».

Mais L’Île Atlantique ne fait que sous-entendre cette opinion sur la crise des valeurs et des liens familiaux. Le roman se veut avant tout descriptif. Et il se révèle, dans les moindres détails d’une bonne quinzaine de personnages, criant de vérité.

Qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes, d’épiciers radoteurs ou d’enseignants cuistres, d’une mère et d’une fille parlant rôtissoire, ou d’un pilier de bistrot causant croustade aux fruits de mer, c’est d’une observation, d’une justesse et d’une cocasserie exceptionnelles. Obsédés par la sexualité enfantine, les précédents livres de Duvert ne laissaient pas prévoir cette ouverture à tous les aspects d’une réalité sociale complexe, grouillante, savoureuse.

[…]

Le Monde, 6 avril 1979 — à lire sur le site des Éditions de Minuit
EXTRAIT Pellisson repensa aux côtés moches de leurs diverses entreprises. Il avait un peu menti en disant à Guillard qu'il en faisait des cauchemars. Cependant, il y avait ce fond d'inquiétude tenace. L'impression, par moment, d'une horrible histoire détraquée, qui n'aurait jamais dû commencer. On ne s'était occupé que d'impunité ; on était à peine étonné de n'avoir été ni découvert, ni pris, ni même soupçonné ; on avait les meilleurs raisons de s'estimer innocent ; mais quelque chose de lourd et de noir, d'écœurant, d'énorme, grossissait par en dessous. Ce n'était pas un remords, le sentiment d'une faute, d'une saloperie, d'une erreur. C'était une peur irraisonnée, dégoûtante, géante.

Hervé Pellisson l'éprouvait particulièrement quand il était seul, dans la rue, comme à présent. La chose massive, insupportable, s'éveillait en lui et — sans insinuer, sans endolorir, sans mordre — diffusait doucement, monstrueusement, la panique. Impossible de lutter. Cela se répandait. Ça commençait par cette impression de vide, de lâchage : et cela virait peu à peu en boue gluante, fade, incolore. On devenait cette boue. C'était pire que d'être battu, abandonné, puni. C'était une nudité insurmontable, une solitude blême, immense et flasque comme un jour humide.

Quel rapport entre cela et quelques chapardages, des cambriolages d'amateur, des jeux justes et inoffensifs (Hervé les voyait tels) ?

Au moins un : quand on éprouvait cette énorme marée de dégoût, de détresse et de peur, on avait bientôt une envie folle, absurde, de voler. Simultanément, Hervé décida ainsi de renoncer à tout délit, et cherchait des yeux une occasion d'en accomplir un immédiatement, et le plus violent, le plus gros possible.

Il faillit arracher le sac à main d'une passante, jugea l'environnement trop défavorable, et pénétra dans un uniprix.

pp. 223-224
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « L'île Atlantique », Paris : Les éd. de Minuit, 1979 ; Paris : Seuil (Points-roman, 301), 1988

mise-à-jour : 29 août 2008
Tony Duvert : L'île Atlantique
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